30 Mai 2014
Parfois j'envie ceux qui arrivent à progammer une sortie de pêche, j'envie tout ceux qui ont largement le temps de préparer leurs affaires et qui arrivent à bon port comme il était prévu dans la feuille de route.
Voilà des choses qui n'arrivent presque jamais dans la vie des silverboys, il y a toujours un truc qui coince, une panne de dernière minute, un retard, des horaires qui dépassent ce qu'on pouvait s'immaginer, là, c'est que nous partons avec un chrono au dessus du crâne. Nous avons tous fait des concessions aux épouses pour ne pas rentrer tard car le jour férier qui suit est dédier à la famille et aux sorties à l'autre bout du monde, si le volume de sommeil ne correspond pas à sa propre récupération il faudra prendre sur ce qu'il reste d'énergie pour avoir un semblant d'être humain.
Pourtant tout à l'air de bien commencer, il n'y a pas de retard important en vue, les appâts sont arrivés à point nommé, il fait bon et la route qui nous mène vers les calanques n'est pas du tout embouteillée. Y' a pas à dire quand on est habitué à mériter sa pêche, quelque part c'est inquiétant quand il ne se passe rien... Sur la route les pronostics vont bon train, il n'y a pas une minute de répis pour dénicher la bonne idée du moment car à la vue de la mer qui va nous recevoir ce soir tout les espoirs sont permis. Tu parles, une mer très agitée sans aucun vents pour troubler les neuronnes, cela fait vraiement longtemps que cela n'était pas arrivé et nous allons sûrement en profiter pleinement. Malgré tout il nous reste en suspension le fameux truc qui pourrait bousiller la soirée, bon, on verra bien...
Nous nous installons à la vitesse de l'éclair, les bibis monstrueux sont coupés et ficellés nous font frétiller au plus haut point et en quelques instants déjà les premier scion sifflent dans les airs à la recherche de la vitesse supersonique. Malheureusement avec le vent presque de face et la rudesse des roches qui nous obligent à envoyer dans des positions parfois complexes nous ne ferons pas de records sur ce point mais bon, la mer est déboitée et le poisson ne se tient pas toujours très loin. Nous allons patienter un bon moment avant d'avoir les premières touches, en premier lieux nous allons remonter nos appâts un peu mâchés ou finement tirés, je vois bien que malgré une mer propice les poissons arrivent encore à jouer très fin. Mais quand le nuit s'installe les choses changent sous les eaux, moi je suis aux prises depuis cins minutes avec un poisson qui à trouvé dans mon bibi un truc qui le passionne. Ici j'entends dire à quel point il va falloir être patient pour capter une vrai touche car l'écureuil monte énergiquement sur le fil puis retombe lentement, il frétille sur place, branle du chef ponctué de longs calmes qui me font dire qu'il joue plutôt qu'il ne mange quand enfin...Moi j'en ai marre d'attendre qu'il ne se décide, je vais aller vérifier mon autre canne qui elle aussi à trouvé preneur, je n'ai pas le dos tourné que Stef hurle:
-" RO !!! un départ, un départ !!! "
Je me précipite pour ferrer car l'écureuil est collé au blank et ne se dévisse pas, le poisson est au bout il est temps de lui coller une décharge dans la quiche qui n'oubliera pas dessuite. Mais l'aïgou saïgo qui s'agite sous nos pieds ne me facilite pas la chose, un poisson sait se jouer des vagues et des courants, tantôt il vient facilement et soudain il te stoppe net à la faveur d'une puissante pression. A la surface nous voyons arriver un beau sar qui bataille férocement, Stef tient le salabre à bout de bras dans la main gauche cherchant le poisson et avec la main droite solidement accrochée dans une faille il enfourne ma prise dans les mailles. Parfois je me dit qu'il faut être jeune pour faire tout ça et mes années qui passent me poussent lentement à ne plus faire ce genre de choses. Mais rapidement les choses prennent forme, Stef remonte un sar encore plus gros qu'il "treuille" sans assistance, pour le plaisir de lui laisser sa chance il le remonte en poids jusqu' à nos pieds. Nous sommes époustouflés car cela fait longtemps que je n'avais pas vu de mes yeux de tels sars, ce sont de belles bestioles que le destin nous fait en cadeau, outre leur rareté, ils sont de fabuleux poissons qui sont à la cîme de la qualité.
Un peu plus tard nous allons profiter d'une deuxième vague de touches, enfin je dit nous, c'est Stef qui va faire le reste de la pêche. Parfois je me dit que c'est comme ça, on ne peut rien contre ce genre de trucs, nous avons les cannes côte à côte et c'est lui qui prends le poisson, va comprendre...
Mais le destin est impitoyable avec moi car je n'ai pas tenu ma promesse. Au départ j'avais promis à mon épouse de ne pas rentrer tard car il était prévu depuis des lustres une sortie à Marineland à Antibes en famille. Pour moi Aubagnais cela représente deux heures de route, si il me manque du sommeil je sait d'avance que ça risque de me coûter cher en neuronnes. Il est une heure et demi du matin il faut partir, pour moi c'est l'assurance de me coucher aux alentours de trois heures pour décoller à sept heures, autant dire que je vais faire de la figuration. Nicolas travaille le lendemain de l'ouverture à la fermeture de Cabesto, autant dire ( encore) que ce n'est pas le bon jour pour prendre des décisions importantes, là il faut se mettre à couvert et laisser passer l'orage bien à l'abris devant son ordinateur. Nous trouverons encore le temps nécessaire pour faire quelques clichés des poissons et de nos trombines alourdies par la fatigue.
J'ai survécu de justesse à la sortie de ce Jeudi grâce à la beauté des lieux et aux animations complexes des cétacés qui ne peuvent laisser insensible, malgré tout j'en ai bien bavé mais vous savez quoi ? Je retroune à la pêche Samedi soir mais il ne faut pas que je rentre tard car Dimanche...
A mon épouse qui supporte tout.
En farfouillant dans l'antre de mes possibilités poétiques je voulais dire à mon épouse sous forme d'un éclatant récit à quel point je l’aimais. Je me voyais déjà l'épée à la main tel robin des bois lui annonçant le retour de Richard cœur de Lion, lui démontrer abreuvé de mots contemporains que l'amour est une suite logique d'actions et de concessions qui débouchent forcement sur un avenir durable et sécuritaire. Ouai bon...
J'ai essayé d'enjoliver tout ça, d'y mettre des mots qui peuvent toucher une maman qui partage avec patience le quotidien d'un fou furieux amoureux des calanques. Mais au fils des phrases pompeuses je me suis rendu compte que tout cela ne mène à rien, j'ai tout effacé.
Mais j'ai trouvé dans mon cœur quand je pense à elle quelques mots imprononçables qui ne se comprennent qu'entre nous deux, ils ne sont pas aussi grandiose que je l’aurais voulu au départ mais ils résonnent comme des harmoniques céleste dans l'antre de mes tripes. En fait il ne fallait pas plus que trois mots mal formulés avec mon pauvre bouquet de fleurs à la main pour déclencher en elle tout ce qu'elle attendait de moi. Au fond l'amour est si simple, les sentiments sincères sont si puissants que rien ne sert à les travestir, être son homme lui suffit...