1 Décembre 2016
Etre un pêcheur dans L'âme c'est merveilleux. Cette activité est de loin la plus fantasque de la planète tant les scénarios d'issues possibles sont nombreux. J'écarte volontairement de cet article l'aspect financier qui engendre des pratiques publicitaires qui n'ont rien à faire dans le loisir. J'élude sans détours tout ceux qui se sont perdu dans les méandres de la passion d'un poisson et de sa capture, pensant que ces deux choses sont identiques. Je ne vais pas parler non plus du public intermittent de la mer qui n'a pas l’étoffe pour porter le nom de pêcheur.
Non je vous parle de ceux qui n'en n'ont rien à foutre de revenir sans aucun poissons dans la musette. Je vous parle de ceux qui se rendent au bord de l'eau pour assouvir une soif d'absolu. Ceux qui plongent leur regard dans le creux des vagues car ils ont compris que la mer se détourne de ceux qui ne la respecte pas.
Pour ma part j'ai longuement réfléchi sur la capture des poissons. Je n'ai pas d’intérêt particulier pour espèce car pour moi tout ce qui se trouve sous l'eau est digne de vivre et c'est un peu cela qui me pose problème. Bien sûr je pourrai ignorer cette équation urticante car rien ne m'indique où se trouve la solution ni que je soit dans le vrai sauf...ma conscience. Pis, ce qui me dérange avec mon humanité c'est que je saurai comment faire pour éradiquer tous les poissons dans les calanques, mais je ne sait comment faire pour qu'ils se reproduisent aussi vite que je pourrai les détruire. En gros, je me sent un acteur majeur dans un segment de vie où mon intervention n'est pas anodine. Ces quelques réflexions qui mettent à l'épreuve mon pauvre cerveau ne datent pas d'hier, car bien avant moi, l'étude de l'impact de la main de l'homme sur la nature est sujet à grands débats. Depuis plus deux mille ans la pression humaine sur la nature est matière à philosopher, mais personne ne pouvait imaginer alors, que passé l'an deux mille la planète allait basculer dans une autre aire.
Malheureusement, dans la hotte de la publicité tous les stimulis de l'humain sont bien connus et longuement étudiés. Nous ne pourrons pas nous empêcher de succomber à la tentation car à un moment où un autre, notre faiblesse l'emporte sur le raisonnable. Les grandes compagnies savent bien que le cerveau est un tableau de bord dans lequel se trouve tout pleins de déclencheurs. Toutes les personnalités sont en nous mais une seule domine la plupart du temps et c'est ce qui fait notre "être" de tout les jours. Les autres "stimulis" sont endormis ou en latence mais attention, ils sont bien là prêts à bondir. Vous l'avez bien vu, dans une simple journée nous passons par beaucoup d'étapes et en fonction de l'outil ou de la pression nous changeons du tout ou tout.
Le problème c'est que nous en avons pas conscience de ces sentiments et nous nous laissons facilement déborder par leur force quand ils débarquent. Hé bien voilà, vous avez déjà compris qu'une photo bien placée au bon moment avec les bons ingrédients atteint souvent sa cible. Celui qui se sent en mal de poissons va se laisser séduire par une image flatteuse de son champion préféré qui lui prouve que c'est avec tel ou tel matériel que la réussite va enfin voir le jour.
En réalité, la réussite d'un pêcheur tient à beaucoup de choses comme la météo, les appâts, sa propre observation et le tout ne se combine pas forcement. Il est dangereux de croire que c'est grâce à du carbone ou à un moulinet farci de roulements, voire à de l'électronique que le tour est joué. Rien ne remplace l'art de la pêche car ces accessoires coûteux ne sont que des éléments de confort.
Pour moi la pêche c'est tout simple. La perception de cet art est le fruit d'innombrables heures passées au bord de l'eau face à ma canne à pêche. A force on se rend compte que la clé de la réussite tient souvent dans un long cordon de petits détails largement sopoudré du facteur " chance". Inutile d'aller sur la toile pour acheter sa chance car les sentiments de produisent ou naissent mais en aucun cas la chance n'est à vendre.
Le courage et le rêve a toujours été le moteur du pêcheur, c'est d'ailleurs à ça que l'on le reconnait. Les pensées supersoniques du pratiquant lui fait faire mille expériences, il se conforte toujours à sa propre intuition et alors...quand ça marche, le plaisir n'est pas une moindre chose. La pêcheur est globalement prêt à tout pour assouvir une soif terrible qui lui prends les tripes et qui ne peut pas se noyer dans une autre activité. Pour ma part, si je n'avais pas la mer pour terrain de jeu, je me demande bien ce que je pourrai bien faire dans mon loisir car en fait, rien ne ma plaît vraiment. Je sait que ce n'est pas facile à vivre pour mon entourage, je suppose que mes copains doivent aussi me pardonner beaucoup de choses car quand mon esprit s'enflamme, bien peu de barrières me retiennent. Combien de fois suis-je parti sous la pluie au fin fond des calanques en plein hiver pour presque rien, combien d'expériences m'ont laissées dans une impasse mais qu'importe...Ma passion de la pêche ne recule devant rien et quand l'heure arrive elle prends rapidement les commandes.
Exit ceux qui laissent nos coins de pêche comme de vrai dépotoirs, il se servent des roches millénaires à leur surverse, un dévidoir à matière noire. Mais ce peuple d'irresponsables ne sont pas des pêcheurs, ce sont juste des passants d'un soir. Des gens qui occupent les calanques comme les ombres des nuages, ils n'ont pas de racines, pas d'image, pas de sens profond. Ils nourrissent les imbéciles avec leurs mots futiles, mais jamais ils ne sentiront passer dans leurs veines le flux de ma mer.
Je suis de sortie ce soir, après la semaine que nous avons passé on peut dire que je suis ému de revoir enfin la mer. Ma raison a été prise en charge par la furie de pêcher, cela n' a presque rien à voir avec la capture des poissons, c'est un truc plus profond que ça...La respiration courte je regarde mon recoin en bas de la route. Tout est si calme comparé à l'agitation de la semaine, je ne sait pas au juste si pêcher après les grosses pluies est bon ou mauvais, mais mon esprit est embrouillé par l'iode du large qui flatte mes narines.
Une fois les affaires posées au sol je me rend compte que je n'ai pas grand chose pour pêcher. Il faut dire que les finances qui sont ordinairement dévoués à mon loisir sont au plus bas ce mois-ci. Je bricole quelques montages pour le calmar en espoir que cela marche un peu. Mais la mer est belle ce qui pourrai être le premier facteur de réussite, mon ami AlainPaddy m'a fabriqué un bouchon extraordinaire, j'ai de belles sardines, tous les espoirs sont permis...
La nuit venue je suis toujours en attente de mon premier calmar. L'ambiance est empreinte d'une sorte d'entité qui couvre l'ensemble de cette crique bien éclairée par les lampadaires de la route. Les boules lumineuses se reflètent jusqu'à la surface de l'eau, la lumière du bouchon tranche bien avec la pénombre et soudainement j'ai le sentiment que quelque chose va se passer...Voilà, il est là ce fameux creux dans le ventre qui fait jaillir les fantasmes les plus délirants. En l'affaire de quelques minutes mon esprit va passer en revue les innombrables fois où j'ai croisé le carbone avec une prise extraordinaire. Sans m'en rendre compte me revoilà encore une fois dans une histoire rocambolesque où les calmars sont géants et dont l'issue inassouvie est toujours interrompue. Mais alors que je vagabonde sans retenue c'est la touche. Le bouchon lumineux se couche un peu et peine à se redresser, c'est le signe évident qu'un coco tourne autour de mon appât et chipote comme un malade. Mais malheureusement pour le calmar avoir autant de bras autour de la tête ne doit pas toujours voter en sa faveur. Les calmars ne sont pas aussi subtils que les autres céphalopodes mais ils ont tous en commun cet instant particulier où la rage leur monte à la tête et crée leur perte. Là je me retrouve avec un individu qui va tenter le diable pour arriver à ses fins même si, il semble que l'alimentaire ne soit pas sont premier désir. Ce qui devait arriver arriva. Le bouchon se couche définitivement sur le côté et il ne reste plus qu'à remonter ma prise tout en douceur. Rien ne sert de le brusquer il suffit juste de tourner lentement la manivelle du moulinet jusqu'au moment où le calmar glisse et se plante sur les hameçons. S'en suit une série de tirettes qui renseigne sur la taille du calmar. En un rien de temps mon premier coco est dans le bac, il m'a bousillé la sardine, allé, au suivant...
L'heure tourne et il semble qu'il n'y ai pas beaucoup de vie sous les eaux. J'ai beau passer en revue l'ensemble de mes techniques rien ne marche vraiment. Mais à la maison j'ai fabriqué un montage que j'ai nommé "piège à fadas" qui n'est en fait qu'un double montage. J'ai remarqué que mes autres pièges à fadas pour le poisson marchaient très bien au toc et particulièrement sur le Sar. En fait c'est une potence sur le corps de ligne en quarante centièmes qui me permet de mettre deux sardines. Je me suis dit qu'en fait si le calmar réagi un peu comme les sars, il est tout à fait possible qu'il cherche à s'emparer des deux appâts, mais voilà...Le malheur pour lui c'est que je pense qu'il sera nettement moins précis lorsqu'il voudra s'emparer de la deuxième sardine, vu le nombre de tentacules à gérer combiné avec la précipitation, ça pourrai marcher. Mais...parce qu'il y a un mais. Si j'ai deux gros calmars qui se pendent respectivement sur chaque sardines je risque d'en baver copieusement voire de perdre le montage entier. Le pire c'est que j'ai déjà utilisé ce montage par le passé. A l'époque j'avais un espace financier embryonnaire et mes montages de fortune valaient tout mon or, pas question de perdre un bouchon ou une tige en inox fabriqués tout deux avec grands soins. Tout était issu de la récupération dans les poubelles, baleines de parapluie, anneaux de porte clefs, boules de plastique, tout avait une valeur inestimable et je voyais alors dans chaque objets un moyen de rebondir encore...Le problème c'est que j'ai perdu plusieurs fois ces montages soit accrochés au fond, soit à cause de l'usure rapide de certains composants de fortune, j'ai laissé tombé. Aujourd'hui je peut re essayer ces fameux montages avec des accessoires solides en espérant que tout cela marche vraiment.
L'attente est bien longue, je fume mes cigarettes les unes derrière les autres confortablement assis face à la mer. En bruit de fond j'entend les voitures qui passent, des claquements de portières. Je remonte le col de la veste pour le plaquer contre le cou comme si j'allais m'encrer encore plus dans mon intérieur. Dans le creux des vagues la danse du bouchon me renseigne en permanence de la présence éventuelle d'une visite. Il hoche soudain la tête d'une façon bien étrange. Ho mince c'est une touche, même si elle n'est pas évidente elle est bien là ! Lentement je tend la ligne et je prends contact avec ma prise. A première vue le calmar que j'ai en direct n'est pas mal du tout, je sent bien son poids qui trahi sa présence. Tout en douceur il est remonté, je ne doit pas faire une seule fausse note car il ne ne tire pas et cela veut dire qu'il se sent en confiance, mais dès qu'il sentira les pics de la calamarette mon registre va radicalement changer. Le voilà il est à la surface, je suis en présence d'un beau calmar qui se joue pour l'instant du destin. Mais à ce jeu mon expérience ne va pas lui laisser beaucoup d'espace et d'un geste précis il va se laisse berner. Ses jets d'eau sont réjouissants et d'un bloc il va aller rejoindre son copain d'infortune.
Mais j'ai remarqué que le coco n'était pas seul à suivre la sardine. Immédiatement je remet doucement dans l'eau et je garde la ligne bien tendue. Ho mince ! je sent une lourdeur, je remonte dans la foulée mon troisième calmar. Je relance au même endroit pour voir...Yahouuuuuu, une nouveau calmar est dessus. Dans cet instant je vais remonter plusieurs calmars à la suite car je présume qu'ils attendent là, juste sous mes pieds.
Mais ce sera la fin, je pense que j'ai bien exploité le passage. Cela me réconforte de savoir que je n'ai pas trop perdu la main car ce genre d'exercice était monnaie courante par le passé. Je vais laisser ce coin car il est tard et il n'est pas utile de faire des dizaines de calmars pour aller par la suite les fourrer dans le congélo bien que...Non je préfère tout bouffer avec ma famille et être obligé de me sortir les tripes pour refaire ce mini exploit. Et puis il n'est pas dans ma nature de piller un coin même si j'en avait l'occasion car à ce petit jeu, d'autres m'ont prouvé que l'on pouvait couper la branche sur laquelle on est assis...
Ci dessous quelques photos prises avec mes copains ce mois-ci...
Bises.